S’il est vrai que les femmes ne sont pas suffisamment représentées dans les sciences, nous savons toutefois qu’elles sont bien présentes dans la médiation scientifique. Doit-on pour autant se féliciter et passer à un autre sujet ? Non, ce beau métier souffre toujours d’un manque de valorisation et formalisation.

Les chiffres

Bien que peu de travaux existent sur le sujet pour le moment, quelques enquêtes quantitatives mettent à jour la situation des professionnels de la médiation scientifique, dont même l’intitulé de fonction est en constant débat. L’OCIM (Office de Coopération et d’Information Muséales) en partenariat avec l’Ecole de la médiation a réalisé plusieurs enquêtes sur le statut, profil et les activités des médiateurs français. Le graphique suivant provient de l’enquête sur les profils socio-démographiques à laquelle 634 médiatrices et médiateurs* ont répondu.  Les contrats CDD, vacataires et « autres » (exemple : service civique) sont considérés comme étant des contrats précaires. Dans les « autres types d’organismes », on trouve notamment les associations de toutes tailles.

Statut des médiatrices et médiateurs selon leur structure © OCIM & Universcience

*quelle que soit leur appellation [enquête sur l’intitulé de fonction]

On observe une grande majorité de contrats précaires dans l’éducation populaire et les associations de partage de science. Dans les muséums – patrimoine naturel, un contrat sur deux est de type précaire. Pour les centres de science et les musées (CSTI ou non), on est à environ un contrat sur trois de type précaire. L’enquête de l’OCIM ainsi que celle du projet PILOTS révèlent les caractéristiques des professionnel.le.s de la médiation scientifique : universitaires (+50% des répondants ont minimum un Bac +5), plutôt jeunes… et majoritairement féminin.

De la même enquête :

En vert : équipes de médiation. // En rose : équipe encadrante. © OCIM & Universcience

Près de 7 médiateurs sur 10 sont des médiatrices. 6 encadrants d’équipes de médiation sur 10 sont des encadrantes. Ces chiffres ne sont par ailleurs pas spécifiques à la France. L’enquête Pilots précise : « Il s’agit d’une profession majoritairement féminine : 61% des médiateurs des musées et centres de sciences européens sont des femmes. C’est strictement la même proportion que celle observée par Adam Love Rodgers et Bryony Kelly en 2001 dans les centres interactifs du Royaume-Uni. »

Un métier en constante évolution…

La médiation scientifique a été développée par et pour la société à un moment de notre histoire où l’accessibilité universelle était enfin devenue une préoccupation nationale. Cette émergence ne rend que plus dramatique le paradoxe qui s’en est suivi : le métier a vu le jour pour répondre à un besoin urgent mais sans considérer les professionnels à long terme. Les ambiguïtés de définition et d’appellation accentuent le flou entourant la médiation scientifique. Tout de même, le groupe plus que divers et varié des médiateurs et médiatrices scientifiques, quelle que soit leur appellation, continue d’élargir leurs activités et compétences au gré des nouveautés scientifiques, nouvelles formes et nouveaux outils de médiation, notamment grâce à un travail de veille rarement reconnu et cadré.

Médiation culturelle et expérimentation scientifique s’allient au cœur de tous les types de structure visant à diffuser la science et à non seulement la transmettre, mais également la recevoir car qu’est-ce que la science sinon des questions et des théories, des hypothèses et des expériences ? Le public des médiations est interrogé et interroge en retour, participe aux ateliers et donne son avis. Il n’est pas passif face à un exposé scientifique et la curiosité de chacun alimente les échanges entre les équipes de médiation et leurs publics.

… Et pourtant figé

La réalité du métier met à jour les difficultés que les professionnel.le.s de la médiation rencontrent au quotidien. La conception des médiations ou animations et le renouvellement des connaissances nécessaires à maîtriser leur sujet requièrent des compétences et un temps considérables. L’accumulation de différentes activités sur une journée de travail, parfois accompagnées de déplacement et d’efforts physiques, peut fatiguer les médiatrices et les médiateurs à plusieurs niveaux. Ces aspects du métier sont souvent ignorés et l’image du médiateur ou de la médiatrice face à son public est celle qui finit par caractériser l’ensemble du métier. « Un bac +8 pour animer des ateliers ? pourquoi ? » se souvient avoir entendu une médiatrice de la Cité des sciences et de l’industrie. Leur légitimité est sans cesse remise en question à la fois par le public mais aussi par des scientifiques, pour différentes raisons. Le premier ne voit qu’une partie de leur métier sans réaliser le travail demandé en amont et les seconds ne considèrent pas les médiatrices et les médiateurs comme ayant l’expertise nécessaire à transmettre la science. Tous les publics et tous les scientifiques ne pensent toutefois pas de cette manière et plus le métier se développe et se formalise, plus il pourra être connu et reconnu.

Ces enjeux de professionnalisation et revalorisation des métiers de la médiation ne sont pas un sujet récurrent dans le monde de la CSTI bien qu’ils affectent tous ses acteurs. Qu’on parle de médiation, animation ou vulgarisation, les pratiques et formes de travail évoluent constamment. Les statuts toutefois des passeuses et passeurs de science semblent figer dans une conception périmée du métier, une représentation de « job étudiant » que l’on fait pendant sa thèse avant de se tourner vers des « vrais métiers ».

Aujourd’hui, journée internationale des droits de la femme, un thème omniprésent dans l’actualité scientifique est la place des femmes dans les sciences. Les femmes ont leur place dans la médiation scientifique, elles y sont même majoritaires – fait assez rare dans les différents secteurs de métiers de la science. Cependant être représentée n’est pas tout et les structures de science ont encore un chemin à parcourir afin de valoriser leurs équipes de médiation, que l’on parle des médiatrices ou des médiateurs, des animatrices ou des animateurs, etc.

 

Rédigé par Rym Benelmouffok

[A SUIVRE] : une étude comparative des compétences des médiatrices et médiateurs avec les compétences exprimées dans les fiches de poste et offres d’emploi.