Et si pour s’adresser à un public hétérogène, on adaptait les principes d’accessibilité universelle à la médiation humaine ? L’École de la médiation propose les 8 & 9 juin la formation la conception universelle : s’adapter à tous les publics basée sur les enquêtes auprès des médiateurs et médiatrices et s’appuyant sur des pratiques exemplaires, telles que celles du musée du quai Branly – Jacques Chirac.

 

Encadré : définition de l’accessibilité universelle

« L’accessibilité universelle vise à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes. Cette approche considère non seulement les besoins des personnes qui ont une déficience mais également ceux de toutes personnes pouvant être confrontées à des situations de handicap. […] Il faut comprendre que le concept d’accessibilité universelle ne repose pas uniquement sur la notion d’adaptation des lieux physiques et ce, bien qu’il s’agisse là d’un élément important dont il faut tenir compte. Il repose en fait sur le principe que tout citoyen doit pouvoir avoir accès à l’ensemble des services offerts à la population et ce, au même endroit, de la même façon et avec la même qualité de service. Tous les secteurs d’activités qui composent notre société doivent donc être considérés. »

Source : Association des Personnes Handicapées de la Rive Sud-Ouest (APHRSO) – Québec, Canada

 

Un véritable besoin de formation à l’accessibilité universelle en médiation

Les établissements culturels se doivent de répondre à des normes et d’offrir à tous leurs visiteurs la même expérience et les mêmes services. La médiation humaine est une nécessité et requiert une formation spécifique. L’École de la médiation a réalisé avec l’OCIM une enquête quantitative sur les besoins en formation des médiateurs et médiatrices, à la fois auprès de ces derniers et de leurs encadrant.e.s :

graphique représentant les besoins en formation des médiateurs - école de la médiation

Enquête sur les besoins en formation. ©OCIM et EDM

« S’adapter à son public : partages de pratiques, trucs et astuces » est une des compétences les plus exprimées par les répondants. On retrouve également l’adaptabilité au public comme une des compétences principales des médiateurs et médiatrices scientifiques dans notre référentiel métier. L’École de la médiation a donc conçu une formation pour y répondre : la conception universelle : s’adapter à tous les publics.

 

L’exemple du musée du quai Branly – Jacques Chirac en 4 questions

 

« L’accès de tous à tout » : des mots souvent prononcés par des associations pour insister sur le principe d’accessibilité universelle réaffirmé par la loi du 11 février 2005. L’accès de tous à la culture est au cœur de la réflexion muséale. Le musée du quai Branly – Jacques Chirac notamment est réputé pour ses avancées en matière d’accessibilité universelle. Mathilde Le-Gal, chargée de médiation au quai Branly, nous parle de leur démarche.

Facade extérieure du Musée du quai Branly Jacques Chirac - article école de la médiation

© Andreas Praefcke – Musée du quai Branly -Jacques Chirac


Question : Le musée du quai Branly – Jacques Chirac a reçu en 2012 le prix « Patrimoine pour tous » pour la qualité du travail de son équipe de médiation en termes d’accessibilité universelle. Quels sont les objectifs et moyens d’une accessibilité pour tous de qualité, d’après vous ?

Réponse : Concernant les objectifs, ma réponse est assez banale : il s’agit de permettre à tous les visiteurs, quels que soient leur âge, leur langue, leur origine sociale, géographique ou culturelle, leur éventuel handicap, leurs connaissances, etc. de profiter au mieux du musée. La prise en compte des besoins spécifiques de certains visiteurs permet d’améliorer sensiblement l’expérience de visite de tous.

Quant aux moyens, il me semble que le plus important, pour avancer relativement rapidement sur ces questions, est qu’il y ait une véritable volonté de l’établissement (pas seulement des quelques personnes en charge d’accessibilité au sein de l’établissement). Le musée du quai Branly a ainsi créé un comité de pilotage « accessibilité », directement placé sous l’autorité de son Président, réunissant plusieurs fois par an des représentants de toutes les directions du musée et des représentants des associations partenaires. Lors des réunions de ce comité de pilotage, un point d’avancement est fait sur chacun des grands dossiers en cours, et des engagements pris devant les partenaires sur la suite du calendrier de réalisation de ces travaux. Cela permet d’impliquer l’ensemble de l’établissement, et d’avoir en direct les retours des visiteurs (via leurs représentants au COPIL).

 

Encadré : les pictogrammes d’accessibilité du musée quai Branly – Jacques Chirac pour la visite autonome ou en groupe du musée, les activités culturelles et les espaces de documentation.

les pictogrammes d’accessibilité du musée quai Branly - école de la médiation

De gauche à droite, ces pictogrammes indiquent l’accessibilité aux visiteurs : sourds, malentendants, déficients visuels, en situation de handicap moteur et en situation de handicap mental. Les pictogrammes du MQB-JC renseignent également les offres d’ateliers et visites guidées.

 

 

Question : Quelle est la place de la médiation dans la réflexion d’accessibilité universelle au musée, pour vous ?

Par rapport aux travaux sur les bâtiments ou la conception des expositions, les activités de médiation peuvent être créées relativement rapidement, ne coûtent pas si cher (autorisent donc le droit à l’erreur et au repentir), peuvent être modifiées en cours « d’exploitation » si besoin. Elles constituent donc, à mon avis, un excellent laboratoire de recherche en accessibilité. Les médiateurs peuvent tester de nouveaux outils, supports, ou des techniques différentes avec les visiteurs, avoir immédiatement leur avis et conseils, très rapidement modifier ce qui doit l’être et aboutir assez vite à une proposition satisfaisante (ça peut être quelques mois/années, hein. C’est toujours par comparaison avec les autres services, qui ne peuvent pas être aussi réactifs, par la nature même des projets qu’ils mènent). En étant à la fois animateurs et concepteurs, les conteurs et conférenciers accumulent ainsi tout au long des différentes activités qu’ils mènent une série de savoir-faire et de bonnes pratiques, qu’ils peuvent réinvestir à chaque nouvelle visite.

Question : Les visites guidées et contées du musée sont accessibles à tous : l’équipe de médiation reçoit-elle une formation spécifique à l’accessibilité universelle ?

Réponse : Oui, l’ensemble des intervenants du musée a été formé à l’accueil des différents publics dits spécifiques et à l’approche universelle de l’accessibilité. Ces formations ont pour la plupart été assurées par des associations spécialisées ou des professionnels invités. Nous travaillons aussi en co-apprentissage, en organisant la formation des conteurs et conférenciers au sein même des équipes (échanges de « trucs et astuces », mise en place d’outils partagés, séminaires de réflexion, observations croisées) de manière à ce que l’ensemble des équipes bénéficient des savoir-faire acquis individuellement par chacun de leurs membres.

Question : Enfin, quels conseils pourriez-vous donner à une équipe de médiateurs et médiatrices travaillant à améliorer l’accessibilité de leurs activités et structure ?

Réponse : Solliciter les associations locales spécialisées. Elles ne demandent souvent qu’à accompagner la démarche des établissements, peuvent aider à établir un état des lieux et pointer les chantiers prioritaires, puis tester les prototypes en cours de conception/fabrication, former les équipes ou sensibiliser les collègues. Elles sont aussi une aide indispensable pour la diffusion des informations au sein des réseaux !

 

 

Rym Benelmouffok, community manager de l’EDM